
Rune & Soleil : quand le ciel forge l’écriture runique
Origine astronomique de certaines runes : le cas de Kaunan et Jera
Le solstice d’hiver, moment pivot de l’année solaire, a de tout temps été associé à des rites de renouveau et à des observations célestes.
Le 21 décembre 2020, à l’occasion de ce tournant saisonnier, une photographie prise à Dabouq (Amman, Jordanie) par Zaid M. Al-Abbadi a attiré mon attention. Elle présente une série de 12 levers de soleil, capturés à un intervalle régulier d’environ 30 jours sur une année complète, du solstice d’hiver 2018 à celui de 2019.
En analysant cette séquence, une forme récurrente s’est imposée à mon regard — une forme étrangement similaire à un caractère runique du Futhark ancien.
L’image: Description du phénomène observé

L’image en question illustre la variation angulaire de la position du lever du soleil sur l’horizon au fil des mois. En raison de l’inclinaison de l’axe terrestre, ce déplacement suit une courbe cyclique, d’amplitude maximale aux solstices, minimale aux équinoxes.
Crédit photo: Zaid M. Al-Abbadi – Dabouq, Amman, Jordanie
Du solstice d’hiver 2018 à celui de 2019
Une forme familière
Ce qui m’a sauté aux yeux ?
La forme tracée par ces 12 levés successifs évoque étrangement la sixième rune du Futhark: « Kaunan » (ou Kenaz).
Kaunan : symbolique et correspondances formelles
Dans le Futhark dit « ancien », Kaunan est la sixième rune. Elle est généralement interprétée comme un symbole de feu maîtrisé (torche), de connaissance éclairante, voire d’intuition créatrice. Son tracé, en forme de chevron ouvert, renvoie à une dynamique directionnelle, orientée vers une source.
La similitude graphique entre la trajectoire annuelle du lever du soleil (selon l’image étudiée) et cette rune soulève une hypothèse : les peuples proto-germaniques auraient pu s’inspirer de phénomènes astronomiques réguliers dans l’élaboration de certains glyphes du Futhark. Cette possibilité mériterait une exploration plus approfondie, en dialogue avec les recherches en archéoastronomie.


Une autre correspondance: Jera
En étendant l’observation aux couchers de soleil (à l’ouest), et en superposant la courbe des levers et celle des couchers sur une année complète, une nouvelle forme apparaît — cette fois encore identifiable dans le corpus runique : la rune Jera (ou Jara).
Jera, douzième rune du Futhark, est traditionnellement associée au cycle annuel (Jahr en allemand, year en anglais). Elle est représentée par deux traits courbes ou angulaires se suivant symétriquement sans se toucher, formant une structure dynamique en rotation. Ce symbole, lié aux cycles agricoles et à la fécondité saisonnière, semble pouvoir s’ancrer dans une lecture astronomique du temps.
Là encore, la superposition entre les mouvements célestes et la forme du glyphe soulève une piste d’interprétation : Jera pourrait être une transcription symbolique de l’intégralité du cycle solaire annuel, dont les 12 phases mensuelles seraient représentées par cette figure double.
Une piste d’étude ?
Cette observation intuitive, née d’un croisement entre photographie astronomique et étude symbolique des runes, ouvre plusieurs pistes de réflexion. Elle invite à interroger la part d’observation du ciel dans la genèse des alphabets proto-historiques, au-delà de leur simple fonction phonétique ou magique. La mise en relation entre les cycles naturels (notamment solaires) et l’élaboration des systèmes symboliques anciens, y compris runiques, mérite un examen rigoureux, croisant :
- l’anthropologie symbolique (M. Eliade, G. Dumézil).
- l’archéoastronomie (cf. E.C. Krupp, A. Thom),
- la philologie germanique (R. Simek, E.O.G. Turville-Petre),
Conclusion
La correspondance entre la variation solaire annuelle et certaines formes runiques, notamment Kaunan et Jera, pourrait ne pas être fortuite. Si elle devait être confirmée par des recherches plus approfondies, elle contribuerait à enrichir la compréhension des runes en tant que système symbolique intégrant une observation sensible et codifiée du cosmos.

